Dispositif expérienciel prototypique (de l'"outsourcing" vers l'intégrité)
( soto, 26/02/07 )
Humeur musicale : Takashi Kako - Klee - Bote des Herbstes.

 

"In designing systems, we are designing ways of being." [Winograd & Flores]

"Ce que je connais le mieux, ce sont les côtelettes, parce que je les mange." [Dali]

 

"Connaître, c'est naître avec." [Claudel].
"Je travaille comme sculpteur, mais dans un autre matériau." [Beuys].

 


Un visage (cf. Lévinas), paupières fermées.

Il parait qu'un dessin vaut, parfois, mieux que mille discours. Celui-ci veut illustrer une manière de mettre en rapport différentes relations à des cultures (1, 2 et 5) et à l'usage de technologies informatiques considérées à la fois comme matériau (3) et comme outil (4) de représentation (je ne parle pas de l'Internet).

En pratique ces différentes modalités expériencielles ont été expérimentées successivement au cours du temps, par cycles de recherche et d'habituation, spiraliques, sur des années. La logique fondamentale est donc ici une logique d'exploration et de conception, c'est à dire itérative bien plus que générative.

Reprenons point par point ces éléments d'artifice, de relation à des artefacts (et à des personnes aussi, cf. (6)) :

(1) Sans commentaire pour l'instant (à part ceux là).

(2) Est-il utile d'incister que, dans un premier temps distinctif, "la carte n'est pas (tout) le territoire qu'elle représente" (Korzybski), que la représentation n'est pas la réalité, la théorie pas la pratique, le concept pas l'expérience, etc ? Dans le deuxième temps d'une méthodologie pédagogique, il nous faut rajouter qu'elle est aussi auto-réflexive. Nous avons donc besoin de cartes et de cartographier pour nous repérer dans cet espace noologique (relatif à l'étude de la pensée et des sociétés humaines, André-Marie Ampère, 1834, par ailleurs premier modernisateur du terme "cybernétique" pour dénommer "les sciences du gouvernement des hommes"), pour nous situer entre ces différentes ontologies régionales disciplinaires, ces différents domaines cognitifs et phénoménologiques, ces différents champs culturels. "Les systèmes ne sont pas dans la nature, mais dans l'esprit des hommes" disait déjà Claude Bernard en 1865 ou encore le "Nous ne raisonnons que sur des modèles" de Paul Valery. Nous vivons tellement dans les mots, les représentations mentales et abstraites (voir Baudrillard, simulacre et simulation), comme si le, mon, votre corps n'était pas, en premier lieu, cognitif, comme si expliquer était symétrique de comprendre.

(3) C'est ici qu'interviennent les cycles de conception-réalisation-observation des simulations dites cognitives et où va se jouer la relation techno-phénoménologique et phénoménotechnique, logique et analogique, via les affects et la pratique d'une épistémologie expérimentale.
Je dis "dites" car il s'agit d'illusions, de pseudo-cognition. C'est, me semble-t-il (jouons le jeu), l'apparence bien plus que la nature de la chose, la chose "en-soi" (le phénomène plutôt que le noumène dirait Kant) qui nous semble "cognitif". La cybernétique nous a appris que les machines cybernétiques produisent des illusions d'attribution de propriétés psychologiques à des mécanismes et le fameux "test de Turing" n'est rien d'autre, pour moi, qu'un test d'illusionnisme (le débat des spécialistes est beaucoup plus compliqué).

La notion de "fonction" ne prend sens que dans le cadre d'une interaction avec un observateur humain. Or, ce n'est pas parce qu'une conception aboutit à un fonctionnement opérationnel externaliste qu'elle est complète en raison suffisante ; ni d'ailleur qu'elle est juste ou vrai : des idées erronées peuvent très bien conduire à des actions effectives.
De même qu'il existe une illusion anthropomorphique, on pourrait parler ici d'illusion anthropo-fonctionnaliste, voir d'animisme cybernétique technologique.

Cette forme de couplage rentre dans la catégorie de ce que j'ai appelé pour moi-même le "cheminement court" de la conscience. Il existe aussi, fort heureusement, un "cheminement long", plus difficile mais à la fois plus ample et plus pragmatique dont dont j'essaye ici de rendre compte, et qui constitue une démarche post-fonctionnaliste.
Dans un sens qui me semble très proche, peut-être complémentaire, j'ai découvert récemment que Bernard Stiegler parlait de "court-circuit".
Pour une analyse docte de l'"intelligence" artificielle comme projet philosophique, voir par exemple l'article "L'intelligence artificielle comme philosophie" de Joëlle Proust, dans la revue Le Débat n°47, nov-déc. 1987, Ed. Gallimard.

Je pense, en cybernéticien, que c'est aussi le comment de cette illusion qu'il nous faut interroger par une étude historique et cognitive de la technogénèse (cf. Stiegler, Simondon, Leroi-Gourhan) et de la dérive progressive objectivante et réfléchissante qu'elle implique, et ce, en résonance avec un ars épistémo-(techno-phénoménologique).

Pour localiser symboliquement et historiquement : le geste fonctionnaliste de Turing (mais où donc est passé Church ?!), amplifié et concrétisé par Von Neumann (1945 env., début des NTIC), d'où est issue la révolution numérique, est un décalage réifiant scientifico-technique (une grammatologie ?) dont nous n'avons pas encore pris, je pense, toute la mesure psycho-active. Il s'agit, à mon sens, d'un évènement aussi important que l'émergence de la parole ou de l'écriture, une révolution historique majeure pour la connaissance en général. Je suis pour que cette prise de conscience soit démocratisée, et c'est pour cela, entre autre, que j'ai adhéré à Ars Industrialis.

Je développe aussi la notion expéri-mentale de modélisation "sans représentation" (cf. la thèse d'Isabelle Peschard, préc. citée dans l'introduction générale) et "sans finalité", entendre : a priori ou a posteriori pour l'acteur-observateur, et à la différence d'une démarche d'ingénierie exclusivement externaliste. Une approche abductive (Peirce) visant la simulation itérative de ce qui nous apparait comme cognitions, artificielles, en pleine conscience.

Plus généralement et en résumé, le rapport, le couplage que j'engage avec la machine m'apparait être de l'ordre de ce que Bruno Bachimont a très pertinament intitulé "Des machines qui pensent aux machines qui donnent à penser". De l'"intelligence" artificielle à l'artéfacture. La machine est vue alors comme un intermédiaire sémiotique révélateur, un outil herméneutique d'aide à l'objectivation de processus et de relations.

... objectivation que d'autres abordent soit sous un angle symbolico-mathématique de la théorie des catastrophes de René Thom, voir le travail de Mr. Petitot, ou encore techno-logique, voir le travail exégétique de Mr. Barthélémy à propos de l'oeuvre de Gilbert Simondon. Une autre référence de choix : Winograd et Florès, 1986, "Understanding computers and cognition, a new foundation for design" paru en français sous "L'intelligence artificielle en question", Ed. Puf, 1989.

Mais laissons cela en suspens pour l'instant, si vous le voulez bien.

[Revoir le schéma récapitulatif]
puis cliquer dans (4) pour revenir

 

 

 

(4) J'ai enfin utilisé une interface logicielle de représentation des connaissances pour pouvoir :

- d'une part gérer la complexité et l'atomisation actuelle des savoirs,

- ensuite et de surcroit à l'esprit critique, travailler la "suspension du jugement" décisionnel et formel, en une sorte d'éthique compréhensive (la croyance expériencielle requiert de la patience), corrélative d'une "pesée" sémantique subjective, de l'évaluation d'un rapport, et d'une synthèse temporaire quasi-corporelle.

- et enfin stabiliser linguistiquement les acquis et les émergences intuitives de l'apprentissage, en vue de nouvelles interactions culturelles et phénoménologiques, guidé ici par la conscience de la relativité du contexte attentionnel accompagné d'un sens "homéostatique", cet équilibre "légèrement déséquilibré" du vivant. Un affect corporel régulateur et apaisant comme antidote (pharmaka) à la sur-stimulation informationnelle et à la confusion psycho-somatique résultante. J'ai ainsi pratiqué la méditation analytique mais aussi le jonglage ou les percussions.

La recherche, parfois ouverte à l'imprévu, et le choix des sources valides qui vont alimenter les représentations émergentes, sont des savoirs-faire extrêmement importants qu'il est inadéquate de décrire pour l'instant. Ma formation scientifique m'a été très précieuse pour m'orienter et évaluer les matériaux.

Cette interface joue un rôle de technologie de mémoire - d'hypomnémata, nous rappellerait probablement Mr. Stiegler après ce que Mr. Foucault désignait comme techniques de « l'écriture de soi » - et d'aide à l'organisation hétérarchique (McCulloch) des savoirs.

Ma propre conception de la mémoire a évolué d'un aspect représentationnel et purement dénotatif vers une dimension plus processuelle, relationnelle et dynamique, grâce notamment à la pratique, à l'observation et à l'étude de simulations parallèles et distribuées, "bottom-up", comme les réseaux de "neurones" formels, les automates "cellulaires", les simulations multi-agents, la "vie" artificielle (cf. (3)), mais aussi les algorithmes "génétiques", la robotique "évolutionaire", etc.

Décrivons maintenant cette "interface logicielle de représentation des connaissances" plus en détail :

Voici une animation simplifiée de l'interface en action :

{animation en Flash}

 

 

Ce dispositif est très complémentaire des systèmes de représentation en hiérarchie de dossiers de nos systèmes d'exploitation (!) informatiques préférés

Voici une capture d'écran de mon interface, un instantané de mon "web 0", de mon intranet, de mon journal de bord distribué - un instantané pour moi et pour vous, mais pas au même moment, un peu comme ces étoiles qui illuminent la nuit et dont certaines ont disparu depuis déjà des millions d'années...

[cliquez sur les images pour basculer entre l'interface et une grille de lecture destinée à en faciliter la compréhension]

 

Voici, ci-dessous, une grille de lecture pour vous repérer plus facilement dans la lecture de cette interface, de cet "enfer du rimoir" :

 

La création de nouveaux items se fait très simplement par glisser-déposer de la souris à partir de poignées adéquates sur l'item central. Et chaque item est reliable à ceux présents au même moment à l'écran.

Notez que les items "enfants" peuvent être "parents des parents" (contrairement à la vie quotidienne, enfin, j'espère), c'est cela que je désigne par organisation "hétérarchique". Elle inclut la dimension hiérarchique mais ne se réduit pas à elle.
Une bonne façon de procéder si l'on ne connait pas par avance, si l'on ne préjuge pas de la linéarité d'une problèmatique. La sagesse nous enseigne que les solutions viennent d'elles-mêmes lorsque les questions sont bien posées.
Et poser les bonnes questions n'est-ce pas, avant tout discours ex-plicatif ou prescriptif, incorporer une multitude de micro-contraintes pour en peser les pertinences ? En fait, les deux sont simultanés.

A l'heure actuelle, mon labyrinthe personnel en-cyclopédique contient 22 703 items qui sont des citations, des concepts, des idées clef, des analogies, des réflexions, des thématiques, des dipôles, des principes, des noms de personnes, et ce sous forme d'hyperliens, de textes, d'images, etc. Un véritable Memex (Vanevar Bush, As we may think, 1945). Pour l'essentiel, il est consacré aux sciences et technologies cognitives et de l'esprit, et le point culminant de ma synthèse formelle émergeante est ce que j'appelle la "scybernéthique(s)". Elle est une abstraction qui désigne et design à son tour ma propre pratique d'apprentissage, c'est à dire : apprendre à apprendre et auto-apprentissage (second ordre²). Cette pratique ne peux s'ancrée, et c'est l'un des drames actuels, que sur un apprentissage traditionnel, distinctif et généraliste, préalable et sécurisé : "la charrue avant les boeufs, il ne faut pas mettre" nous dit le proverbe auto-référenciel . J'ai enfin essayé de me souvenir éthiquement que l'abstraction n'est pas la généralité et qu'il y a des rythmes à respecter pour ne pas sombrer ni dans la rationalisation formelle instrumentalisée et illégitime, ni dans l'amalgame d'une moyenne grise, confusionnelle et soeur du nihilisme.

J'ai, au début du précédent paragraphe, parlé de "dipôles". Plus exactement, il s'agit de dipôles conceptuels (ex. : qualité / quantité, vertical / horizontal, linéaire / circulaire, analyse / synthèse, tout / parties, etc). Nous utilisons tous ce genre de distinctions pour nous orienter dans le savoir et l'évaluer. Je vais essayer de montrer dans le prochain chapitre comment cette base distinctive, couplée avec la notion de "niveaux d'abstractions", participe à l'aboutissement d'une logique d'orientation et d'exploration des champs de représentations conceptuels, d'une dialogique.

Pour finir, l'un des premiers résultats cohérent et consistant de l'expérimentation de ce dispositif expérienciel, au bout de quelques années mais je suis très lent et les choses simples sont difficiles, fut de faire émerger ce prototype ternaire d'organisations phénoménologiques, de domaines cognitifs, associé à des grilles attentionnelles et interprétatives d'analyse "quasi-bidimensionnelles". A titre simplement illustratif :

 

La suite de ce conte à ne pas dormir debout, s'intitulera
"Distinctions, dipôles, dialectique et dialogique".

D'ici là, je vous souhaite de bonnes diagona/es, un bon "biais du gars".

 

Crédit : Le dessin du bonhomme à été très librement inspiré par le travail de Pippo Lionni. Voir sa série "Facts of life".

 

 

(A suivre)>>>


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Dommage que l'on ne puisse pas, avec l'image,
mettre aussi un bout du miroir qui est derrière moi...